Sigourney Weaver: lucide

Sigourney WeaverBon, d’accord, elle a un prénom qui, prononcé les dents serrées, peut évoquer le son d’un bref éternuement. Pourquoi diable se baptiser Sigourney quand on est née Susan Weaver, il y a quelque trente-six ans de cela ? «Parce que j’ai remarqué et aimé ce prénom dans «Gatsby le magnifique», le roman de Scott Fitzgerald, se justifie-t-elle. Je me le suis approprié à quatorze ans, c’est tout !» De l’originalité avant toute chose semble donc être la devise de Sigourney chérie. Pensez donc : d’abord, et contrairement à 98,9 % de ses consœurs, elle ne se complaît pas à parler d’enfance malheureuse ou du moins marquée par le besoin. Bien au contraire. Sylvester-Pat Weaver, son père, était, pendant une bonne partie des années cinquante, le président de la NBC, une des plus puissantes chaînes de télé américaine. Cela implique une trentaine de déménagements pour la famille Weaver et, par conséquent, autant d’établissements scolaires différents pour la jeune Sigourney. Histoire de cultiver sa différence, celle-ci traverse à sa manière les fameuses sixties. Teenager beatlemane dans un premier temps, elle se transforme ensuite en révolutionnaire de campus des plus folkloriques. Ainsi, dans son sac à main d’alors, on trouve pêle-mêle le petit livre rouge de Mao qui daigne côtoyer un carnet d’adresses fleurant bon la jet-set new-yorkaise. Sigourney n’en reste pas là puisqu’elle choisit ensuite d’aménager son sweet home coquet dans… un arbre, habillée en lutin (!) avant d’entamer une très brève carrière de mannequin. Et la sacro-sainte vocation de comédienne dans tout cela ? Elle pointe à l’horizon, (très) lentement mais sûrement. Des études d’art dramatique au Yale Drama School, aux côtés de Meryl Streep notamment, lui ouvrent le chemin. Elle participe à plusieurs pièces «off-Broadway» qu’elle écrit parfois en collaboration avec un de ses amis, Christopher Durang. En 1978, le réalisateur Ridley Scott lui offre le seul rôle féminin d’«Alien». L’apparition finale de la comédienne en petite culotte blanche y fait sensation et consacre l’avènement de la lingerie spatialo-sexy tendance «Petit Bateau» mouillé. Comment s’étonner, après cela, du triomphe personnel obtenu par l’actrice qui, du coup se retrouve à la une de Newsweek. «J’étais vraiment étonnée de voir tous ces projecteurs braqués soudainement sur moi, avoue-t-elle aujourd’hui. Trop étonnée sans doute, car ma méfiance m’a empêchée de profiter de ce succès. Mais la carrière de mon père, remplie de hauts et de bas, m’a rendue cynique vis à vis de mon métier. En fait, cela m’a servi de leçon et m’a appris à ne pas me faire beaucoup d’illusions…» Merveilleusement désenchantée, Miss Weaver ? Non, mais plutôt lucide malgré l’avalanche de compliments qui saluent ses compositions ultérieures. Des rôles aussi différents que possible, mais qui ont tous la particularité de s’intégrer au sein d’intrigues rocambolesques. Elle est ainsi tour à tour reporter télé traquée dans «L’œil du témoin», attachée d’ambassade bravant les émeutes de Manille dans «L’année de tous les dangers» puis l’épouse amorale d’un marchand d’armes dans «Deal of the century», une comédie de William Friedkin inédite en France. Même si ce dernier film est loin d’être réussi, il permet au moins de révéler les dons de Sigourney pour la comédie. «C’est dans ce domaine qu’elle est le plus à l’aise, précise son copain Christopher Durang. Elle me fait penser à Kay Kendall, avec sa façon d’être, – quand elle joue, en même temps superbe et sublimement ridicule…» Le public a eu tout loisir de s’en apercevoir l’an dernier dans «Ghostbusters» où l’actrice, belle à damner des fantômes, se déchaîne aux côtés de Bill Murray et Dan Aykroyd. 1984 a d’ailleurs été pour Sigourney Weaver l’année de tous les bonheurs puisqu’en outre sa triomphale participation à «Ghostbusters», elle était une des vedettes de «Hurly burly» sur les planches de Broadway face à William Hurt. Tout cela avant de commencer le tournage de « Une femme ou deux », le nouveau film de Daniel Vigne, avec Depardieu pour partenaire. Qui dit mieux ?

 

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